La Chartreuse à VTT
Samedi 11 mai, 5h30. Le réveil sonne. Malgré la nuit courte, je me lève plus facilement que n'importe quel autre jour. Il faut dire que ça fait des semaines que j’attends ce week-end, et j'ai passé la soirée à empaqueter mes affaires du mieux que je peux.
Jour 1 : De la motivation, il va en falloir
7h, je suis dans le train. Je termine un peu ma nuit, réveillé de temps en temps par les divers arrêts et les gens qui passent. Je me réveille alors que les premières montagnes passent par la fenêtre. J'essaye de les reconnaître. De savoir en haut de laquelle je suis censé pédaler.
Le programme de ce week-end ? Traverser la chartreuse à VTT. Mon train m'emmène à Chambéry, d'où je pars sur un tracé que j'ai fait moi même, qui rejoint au second jour un itinéraire de VTT balisé qui m'emmène jusqu'à Grenoble.
À 8h30, je suis sur mon vélo, et je commence à pédaler. Je suis des routes pour sortir tranquillement de Chambéry. Il commence déjà à y avoir des belles vues, avec sans cesse le lac d'Aiguebelette qui se montre au loin.
Au bout d'une heure de montée plutôt sympa, la route fait place aux graviers, puis au sentier défoncé et glissant. Je pousse beaucoup mon vélo, et regarde ma carte IGN en me disant que plus tard, la pente allait être mieux et que je pourrais pédaler. Optimiste. Mais loin de savoir à quel point il allait m'en falloir de l'optimisme, pour affronter cette première journée...
Une fois le premier col atteint, je me retrouve complètement dans le brouillard, la tête dans le nuage.
Peu après la pluie arrive aussi, m'obligeant à pousser mon vélo tant tout devient glissant par terre. Je m'arrête quand même rapidement manger un peu de pain et de pâté, mais je ne traîne pas car dès que je m'arrête de grelotte de froid. Je continue donc de pédaler dès que je le peux, mais la majorité de la montée se fait à pied. Fichue pluie, que je me dis.
Sauf que non, le gros problème n'était pas la pluie, mais mon itinéraire. Les sentiers de rando ça ne se parcours pas en montant à VTT, encore moins chargé comme je suis. À mi chemin entre le col et le sommer que je dois atteindre, je me retrouve face à un "mur": un passage de 2-3m où il faut "grimpouiller" comme j'aime bien dire. Autant à pied ce sont mes passages préférés, mais à VTT, chargé, et trempé, je commence à me maudire.
Je pose mon vélo et avance un peu, pour voir si je peux peux contourner cet obstacle. Mais plus loin la pente n'est que boue, dans laquelle je glisse plusieurs fois juste en essayant de la monter à pied. Faire demi-tour ne m'enchante pas non plus, puisque finalement, j'ai déjà fait la moitié !
Je retourne donc devant l'obstacle, et décide d'y monter avec mon vélo. Comme j'ai besoin de mes mains pour y grimper, je commence par soulever le vélo sur la première marche, puis j'y monte. Vélo sur la seconde marche, je monte sur la seconde marche, .. Et ça pour les 4 ou 5 marches suivantes.
Une fois en haut, évidemment toujours pas question de pédaler, mais l'idée de simplement pouvoir pousser mon vélo à côté de moi est déjà tellement satisfaisante après cette ascension périlleuse.
Cela fait maintenant une heure et demi que je galère depuis le col. J'arrive vers une route qui redescend dans la vallée, mais mon itinéraire n'est pas censé la prendre, lui continuer de monter pour suivre un crête (probablement magnifique). J'hésite, mais m'engage dans mon itinéraire, où il semble possible de pédaler. Au bout d'un virage, la pente devient plus forte et je dois pousser mon vélo à nouveau.. C'en est trop, je retourne sur mes pas et prend la route qui me ramène dans la vallée.
Cette route de gros gravier aurait pu être un réconfort.. Si l'orage n'avait pas doublé voire triplé. Des trombes d'eau s'abattent sur moi, je suis rincé jusqu'aux os. Le vent dû à la descente me frigorifie. Je m'arrête de temps en temps pour essayer de me réchauffer les mains, mais aucun arbre ne peut vraiment m'abriter de ce déluge. Pas le choix, il faut continuer de descendre. Je ne pense qu'à une seule chose: la première maison que je vois, je frappe à la porte pour demander un abri et me réchauffer. Cette descente qui aurait pu être si amusante devient un calvaire. J'ai tellement froid au doigts que j'ai du mal à appuyer sur mes freins.
Au bout d'une demi heure qui semble être des heures, la pluie se calme enfin.
Comble du bonheur, le gravier se transforme en bitume. Le moral revient. Je décide même de prendre ce petit raccourci que je vois bien sur ma carte IGN. Enfin, je crois. Parce qu'au bout de 500m, le chemin disparaît.. Je n'ai pas très envie de pousser mon VTT pour remonter..
Le fond du trou pour le moral ? Et bien même pas. Le soleil pointe le bout de son nez, il n'y a plus de pluie, la forêt est magnifique. Je suis aux anges. J'avance tout doucement. Pendant une demi heure je ne couvre presque pas de distance, puisque je me bat avec arbustes, ronces et pentes hasardeuses le tout avec mon vélo à pousser. Mais je m'en fiche, je suis heureux. Je m'arrête regarder les plantes, manger un bout de chèvre. Je profite. Tant pis si je ne suis pas sur le bon chemin. Pas sur un chemin du tout d'ailleurs. Au moins ça descend, et sans pluie. Tout va bien.
Quand je ressort, il fait carrément beau, et je m'arrête dans Saint-Jean-de-Couz non pas pour implorer un abri mais profiter du soleil et faire sécher mes gants.
De là, une montée sur la route m'attend. Je la prend avec plaisir.
J'y vois le sentier balisé de VTT, que je décide de ne pas suivre pour continuer de monter par la route. J'ai eu ma dose de boue pour la journée.
Je ne rejoins le sentier VTT qu'en haut, et remarque tout de suite à quel point tout est plus simple que ce que moi j'avais planifié avant. Leçon comprise.
En arrivant à Corbel, les nuages se montrent menaçants. Mais je ne m'inquiète pas, il n'est même pas 16h et je suis très proche de mon lieu de camping.
Alors que je remplis ma gourde à la fontaine de la ville, un orage éclate, mais pire que celui de ce matin: il grêle !
Une fois l'orage passé, je reprend le vélo pour avancer vers mon camp... Pour me retrouver encore sur une averse ! Je m'abrite sous un préau pour attendre que ça passe, la météo annonce une éclaircie dans la demi heure à venir.
Quand l'éclaircie arrive, je ne me fais pas prier et fonce à mon campement. Je m'écarte du sentier de VTT principal, et ait donc besoin de pousser un peu mon vélo. En chemin, je commence à m'inquiéter un peu car le côté du chemin est beaucoup trop penché pour y planter une tente. Impossible même d'y marcher.
Heureusement le coin que j'avais repéré sur la carte s'avère être plat. À défaut d'offrir une belle vue comme je l’espérais, il y a une sellette dans le relief qui donne une grande forêt à peu près plate, où j'ai des dizaines d'emplacements possibles pour ma tente.
Après avoir pas mal tourné, j'opte pour un renfoncement derrière une petite butte un peu à l'écart du sentier, me rendant complètement invisible depuis celui ci.
Mais quel bonheur de pouvoir me changer, d'être au sec les pieds dans le sac de couchage.
Au final, mon GPS me dit que j'ai fait 1837m de dénivelé positif en 35km. Ça ressemble définitivement plus à des nombres de rando que de vélo.
Autant dire que je m'endors vite.
Pendant la nuit je ne dors pas très bien, principalement à cause du froid.. Ma montre me disait 12°C le soir, ça ne m'étonnerait pas qu'il ait fait autour de 5°C la nuit. Je n'avais pas pris assez de chaussettes.
Jour 2: c'est plutôt comme ça que j'imaginais mon week-end
Malgré le froid, je m'étonne à ne me réveiller à 9h, plutôt tard donc. Le soleil ne perce pas beaucoup dans la forêt épaisse (ce qui explique aussi qu'il ait fait si froid..).
Je tourne un peu au ralenti le matin. Et j'apprécie un peu trop le thé chaud avec les quelques rayons de soleil.. Si bien que le repli du camp prend du temps, et que je ne pars qu'à 11h. Pas super matinal comme début de journée.
La descente de mon camp pour rejoindre le sentier de randonnée aurait pu être une partie de plaisir.. Si elle n'avait pas été labourée par des engins de chantiers puis inondée par la pluie de la veille. Je peste alors que ma roue avant s'enfonce jusqu'au milieu dans la boue (~30cm), et que mon pied droit en fait autant. Tout le long j'ai l'impression de glisser jusqu'en bas plutôt que de rouler. Il faut bien entretenir la forêt. Mais là ce sentier est vraiment défoncé.
Vers le bas du chemin je croise plusieurs grimpeurs, qui remontent le sentier à pieds pour se rendre sur un site d'escalade (visible sur la phot précédente). Je leur souhaite bien du courage.
Une fois sorti de ce tas de boue, ce n'est pas encore la fin de mes déboires. Je ne trouve pas la suite du sentier ! Impossible de savoir où il va, il semble juste disparaître. Je m'aventure même dans le champ voisin pour tenter, en vain.
Je finis par voir des gens sortir de n'importe où, et je me rend compte qu'un énorme tas de bois est pile en travers du chemin, cachant non seulement le balisage mais le chemin en lui même ! Et le rendant totalement inaccessible, une vraie barrière.. Décidément les gens qui entretiennent la forêt par ici n'en ont pas grand chose à faire des randonneurs..
Le reste de la matinée est très agréable. Jolis sentiers, petite pause pour acheter plein de fromages de Savoie, vues typiques de la Chartreuse que j'aime tant.
Pause déjeuner aux Arragons, un très joli village traversé par une rivière.
Une fois bien mangé je repars, et les ascensions se font de plus en plus longues et difficiles. Au final, pédaler n'est pas toujours plus économique que de pousser le vélo !
Entre petits sentiers et pistes larges, je traverse des forêts, découvre des sommets et je profite enfin à fond de mon voyage. C'est plus ça que j'imaginais en partant hier matin, il aura fallu une journée de pluie avant d'y arriver.. Mais ça rend le moment d'autant plus appréciable.
Neige qui va même m'obliger par moments à quitter les sentier et prendre la route, puisque je ne peux pas rouler dessus avec mon vélo.
La descente m'amène à contourner une dernière montagne, que je trouve absolument magnifique. J’apprendrais plus tard qu'il s'agit du Mont Néron, et qu'il est possible d'y monter en randonnée ! Voilà une chose de plus à faire un jour.
Ma journée se termine dans un joli parc en bordure de Grenoble.
Il est déjà plus de 20h quand j'arrive à la gare. Je suis exténué, les dernières montées m'ont semblé interminables.
Bilan de la seconde journée: 1436m de dénivelé et 49km. Je ne sais pas si c'est la fatigue de la veille ou le fait que j'ai beaucoup plus pédalé que poussé mon vélo, mais la journée m'a semblé beaucoup plus difficile physiquement. Je suis mort.
Dans le train du retour je somnole. Je repense à tout ce week-end. Tout ce qui s'est passé en si peu de temps, tous ces enchaînements d'émotions, ces galères, ces coups de chance, ces paysages magnifiques. Avec une seule question en tête: à quand la prochaine fois ?